Changer le modèle économique imposé
Les fondateurs de l’Union Européenne avaient probablement les meilleures intentions et peut-être même croyaient-ils l’accomplissement de leur projet possible.
Dans ce cas, c’est avec effroi qu’ils verraient aujourd’hui que non seulement leur projet initial ne s’est pas concrétisé, mais qu’en plus, l’échec de la zone euro est irréparable. Voilà pourquoi :
1. Tout d’abord parce que les fondements de l’UE et de la zone euro ne sont pas solides
C’est à la coexistence, dans la même union économique, de pays ayant de grands écarts structurels et de développement entre eux que les grosses difficultés qu’elle rencontre doivent être attribuées. La convergence promise qui, d’après les néolibéraux, devait se réaliser automatiquement, ne s’est jamais produite.
La convergence des États membres, prévue par le traité de Maastricht, s’est transformée en une accélération du rythme de croissance des pays du sud de l’Europe par rapport à ceux du nord. Ces différences de rythme de développement ont eu pour conséquence d’approfondir le déficit de la balance commerciale des pays du sud et d’augmenter l’excédent commercial de ceux du nord, bien sûr, surtout de l’Allemagne, qui s’est consolidé et ne cesse depuis lors d’être important, malgré la crise.
Notons aussi le déséquilibre chronique entre, d’un côté, le taux d’intérêt peu élevé, plus ou moins unique pour l’ensemble des pays de la zone euro, dont le niveau était défini par la BCE, et, de l’autre, le rythme de l’inflation qui variait beaucoup d’un pays à l’autre. Pour cela, il suffit de se rapporter au fait que le niveau général des prix, en Grèce, sur une base 100 en 1997, s’élevait à 146,4 en 2009, alors que pour l’Allemagne il n’était que de 119.
C’est ainsi que la compétitivité et toute perspective de croissance des économies européennes les moins avancées ont commencé à se plomber.
Plus précisément, chaque augmentation de l’excédent commercial de l’Allemagne se faisait au prix de la baisse de la compétitivité dans les pays du sud de l’Europe. Les économies du sud ont alors commencé à avoir des déficits budgétaires qui dépassaient la limite autorisée par le Pacte de Stabilité, mais à la longue, le très faible taux auquel elles pouvaient emprunter à la BCE a obscurci la situation.
Les économies déficitaires, telles que la Grèce, n’ont nullement été contraintes de réduire leur déficit. Bien entendu, ce surendettement des économies les moins développées, dont la compétitivité reculait sans cesse, était implicitement très favorable aux économies européennes développées. Ces dernières augmentaient ainsi leurs exportations, étant donné que les économies les moins développées de l’UE ne pouvaient plus se protéger par une dévaluation externe.
Il est pour le moins paradoxal que l’on ait oublié, surtout au sein de l’UE, que ce ne sont pas seulement les déficits commerciaux qui créent des déséquilibres, mais que ceux-ci sont aussi créés par les excédents commerciaux.
Par la suite, ce qui a porté un coup dur aux pays européens les plus vulnérables, ce fut la création prématurée et sans réelle étude préalable d’une monnaie génétiquement déficiente, incapable de survivre sans sa béquille, à savoir le Pacte de Stabilité : celui-ci fut imposé par l’Allemagne en contrepartie de l’abandon de sa monnaie nationale, forte et stable, pour l’euro.
Ce n’est que récemment que le magazine Der Spiegel a révélé que l’Allemagne « a construit l’euro à sa mesure » et qu’elle a ainsi pu se protéger aux dépens du sud. Sur la base de ce Pacte, la stabilité, uniquement monétaire, fut jugée suffisante et capable d’assurer un rythme de croissance rapide à tous les membres de l’Union. Or, la réalité s’est avérée complètement différente :
Les économies européennes sont obligées de fonctionner dans un univers constamment déflationniste et sous le joug d’un régime d’austérité sans fin ; un taux de chômage élevé et permanent, que la croissance anémique de l’UE n’a pas été capable d’endiguer, s’y est installé. Et dernièrement, nous avons aussi des taux d’intérêt négatifs !
Retranscription du colloque de la Fondation Patriotes pour l’Europe