Démocratie et état de droit au sein de l’Union européenne : le cadre anticorruption
« La corruption est l’une des plus grandes menaces pour nos communautés, pour nos institutions nationales et européennes. Elle mine la démocratie, sape la confiance dans les institutions publiques et prive nos citoyens des opportunités et des services qu’ils méritent. Nous voulons une Europe sans corruption qui s’attaque à ce phénomène à tous les niveaux. Enfin, nous disposerons de règles harmonisées qui nous permettront de lutter efficacement contre la corruption. » Citation de la rapporteur Ramona Strugariu (Renew, RO), (PE, 2024).
L’état de droit est une valeur fondamentale de l’Union européenne (UE) et est explicitement reconnu dans l’article 2 du traité sur l’Union européenne. Il sert également de principe directeur pour les actions extérieures de l’UE, comme le prévoit l’article 21 du Traité. Le lien étroit entre l’état de droit et la lutte anticorruption a été souligné dans le premier rapport de l’UE sur l’état de droit daté de 2020, dans lequel l’UE a identifié les quatre piliers principaux constituant le cadre de l’état de droit : le système judiciaire, les mesures de lutte anticorruption, le pluralisme des médias, et des garde-fous institutionnels.
La corruption représente une grave menace pour la société, la démocratie, l’économie et les individus. En affaiblissant les institutions, elle amenuise leur crédibilité et leur capacité à fournir des services publics de manière efficace. La corruption fausse le fonctionnement du marché, détériore la qualité de vie et favorise la croissance du crime organisé, du terrorisme et d’autres menaces à la sécurité. Bien que cela ait des répercussions sur les pays du monde entier, quelle que soit leur taille ou leur richesse, ses effets sont particulièrement néfastes dans les régions en développement. La corruption érode l’efficacité des dépenses publiques, creuse les inégalités sociales et coûte à l’économie européenne environ 120 milliards d’euros par an. Ses répercussions sapent les efforts déployés à l’échelle mondiale pour parvenir à une bonne gouvernance, à la prospérité économique et aux Objectifs de développement durable des Nations unies (CE – Communiqué de presse, 2023).
L’état de droit a toujours été mis en avant comme une priorité essentielle dans les grandes orientations politiques de l’UE, tels que le Programme pour le changement de 2011 et le Consensus pour le développement de 2017. Dans ces documents, l’UE réaffirme son engagement à défendre et à promouvoir l’état de droit, tant au niveau national que dans le cadre de sa politique étrangère. L’accent mis sur l’état de droit et, par extension, sur la lutte anticorruption, se reflète dans les engagements extérieurs et intérieurs de l’UE. Cependant, dans le climat mondial actuel, marqué par la montée de l’autoritarisme, la réduction de l’espace civique et l’influence croissante du populisme, la promotion de l’état de droit et des initiatives de lutte anticorruption est devenue de plus en plus complexe.
Pour s’adapter, la stratégie globale de l’UE en matière de politique étrangère et de sécurité commune de 2016 a introduit le concept de « pragmatisme de principe », reconnaissant la nécessité d’équilibrer ses objectifs idéalistes avec une approche pratique des défis internationaux actuels. Cela soulève des questions sur l’efficacité des efforts déployés par l’UE pour promouvoir l’état de droit et la lutte anticorruption, tant à l’étranger qu’en interne. Pour évaluer son impact, l’UE a commandé une évaluation externe de son soutien à l’état de droit et à la lutte contre la corruption dans les pays partenaires de 2010 à 2021. Cette évaluation a adopté une perspective plus large, en examinant l’assistance aux principales institutions étatiques, aux organisations de la société civile et l’application plus large des principes de l’état de droit au-delà des mesures de justice et de lutte anticorruption.
La pression exercée par les députés européens en faveur de mesures et de sanctions plus strictes à l’échelle de l’UE est en grande partie motivée par les retombées du scandale du « Qatargate ». Ce scandale de corruption très médiatisé, qui a éclaté fin 2022, a impliqué plusieurs députés européens et impliquait d’importantes sommes d’argent qui auraient été utilisées par des pays tiers comme le Qatar et le Maroc pour influencer l’élaboration des politiques européennes. Des personnalités importantes ont été arrêtées et de fortes sommes d’argent ont été saisies dans le cadre d’enquêtes menées dans plusieurs pays. Ce scandale a révélé les vulnérabilités du cadre de lutte anticorruption de l’UE et a accru les inquiétudes concernant l’influence étrangère et l’intégrité au sein des institutions de l’UE. En réponse, de nombreux députés européens plaident en faveur de mesures plus strictes pour accroître la transparence et la responsabilité dans les opérations parlementaires. Les propositions comprennent un contrôle renforcé des activités de lobbying, des règles plus strictes sur les conflits d’intérêts et des mesures visant à limiter les activités de lobbying des anciens députés européens. Les nouvelles règles imposeront également des obligations de divulgation financière plus strictes et des sanctions plus sévères en cas de violation des règles. Toutefois, la mise en œuvre de réformes globales s’est heurtée à une résistance interne, révélant des divisions sur l’ampleur des changements nécessaires et soulevant des questions sur la capacité du Parlement européen à lutter efficacement contre de telles fautes (Wax – Wheaton, 2023).
Étude publiée par la Fondation Patriots for Europe