L'Afrique de l'Ouest francophone : une région sous haute tension
L’Afrique de l’Ouest francophone vit actuellement une séquence historique inédite. C’est la première fois depuis les indépendances qu’autant de pays de cette partie du continent traversent, au cours de la même période, des crises multidimensionnelles de cette ampleur. Dans l’œil du cyclone se trouve le Mali, épicentre du conflit qui se déroule depuis huit ans dans le Sahel, ainsi que tous les États voisins : Burkina Faso, Niger, Guinée-Conakry, Côte d’Ivoire, Bénin, dans lesquels une élection présidentielle s’est tenue en 2020 et 2021. Dans cette partie du continent, ces scrutins sont toujours à risques ; cependant, ceux-ci portaient les germes d’une déstabilisation encore plus importante puisque le Sahel est déjà sous le joug des groupes armés djihadistes, et que cette menace risque de s’étendre jusqu’au très stratégique Golfe de Guinée. Même des pays qui étaient jusque-là considérés comme des « vitrines de la démocratie », comme le Bénin et le Sénégal, subissent aussi des secousses.
Toutes ces crises — sécuritaires, politiques, humanitaires — trouvent leur genèse dans la gestion autocratique, népotique et corruptive de ces États. Les principaux responsables sont, bien entendu, les dirigeants africains eux-mêmes. Néanmoins, en validant presque systématiquement des élections insincères et en adoubant des autocrates refusant de quitter le pouvoir, toute la « communauté internationale » — Nations unies, Union européenne, organisations africaines (CEDEAO et Union africaine), États-Unis — porte une large part de responsabilité dans ce naufrage. La France, ancienne puissance coloniale qui dispose encore d’une grande influence dans cette zone, est en première ligne et a largement contribué à créer cette situation.
Cette politique du maintien des autocrates au pouvoir est presque toujours justifiée au nom d’une sacrosainte stabilité. Or, s’il n’est pas prouvé qu’à court terme cette stratégie est payante, à moyen et long terme, c’est certain, elle produit des catastrophes, comme celles qui sont en cours. Les conséquences sont inversement proportionnelles aux effets soi-disant recherchés. Les dirigeants occidentaux savent pourtant, et le répètent à l’envi, que le terrorisme se nourrit de la faiblesse des États (1).
La situation actuelle en Afrique de l’Ouest est le résultat de trente années d’erreurs, de fautes, d’errements, de manque de vision, de faiblesses, de méconnaissance de l’histoire et de la sociologie ; elle a été encore aggravée par les interventions armées de 2011 en Libye et en Côte d’Ivoire.
Contrairement à un imaginaire assez largement répandu en Occident, les citoyens de ces États sont avides d’une véritable démocratie. Ils ne sont pas non plus prédestinés à s’affronter dans des conflits communautaires qui remonteraient à la nuit des temps. Certains des pays précités, comme la Côte d’Ivoire et la Guinée-Conakry, sont riches en ressources ; ils n’ont donc pas vocation à être perpétuellement « en voie de développement ». Tous ont les moyens d’une autosuffisance alimentaire qui est hors de leur portée aujourd’hui. Or, à cause des raisons déjà évoquées, tous, sans exception, se retrouvent dans le bas du classement mondial de l’indice de développement humain.
Les premières à subir les conséquences de ce « désordre » des choses sont, bien évidemment, les populations civiles, qui vivent un calvaire et payent le plus lourd tribut. La deuxième victime est l’Union européenne, qui a dépensé des milliards d’euros tant au Sahel que dans les États du Golfe de Guinée pour tenter de colmater les brèches et d’endiguer une vague migratoire vers les pays d’Europe du Sud. Il n’est pas inintéressant de constater que ce sont les pays les plus riches en matières premières — Guinée-Conakry et Côte d’Ivoire — qui sont les deux premiers pays d’Afrique subsaharienne en termes d’immigration illégale en France.
Étude réalisée par Leslie Varenne
Étude publiée par la Fondation Patriotes pour l’Europe