Les obstacles juridiques à la transition écologique
La plus grande catastrophe industrielle de l'histoire
Les pages qui suivent ont été écrites alors que se déroule devant nos yeux la plus grande catastrophe industrielle de l’histoire avec l’entrée du monde, depuis l’hiver 2020, dans la pandémie du Sars-Covid-2, ou Covid-19. Toutefois, la particularité de cette catastrophe industrielle ne réside pas dans les pertes de vie humaine causées par le virus, lesquelles, quoiqu’importantes en valeur absolue, font pâle figure comparées à des catastrophes industriellement induites comme les deux guerres mondiales, aux effets latents des pesticides déversés pendant des décennies dans les sols de la planète ou aux grandes épidémies qui ont frappé les sociétés prémodernes et modernes comme la peste justinienne, la peste noire, la variole frappant la population amérindienne après l’arrivée des Européens sur le continent américain, etc. Elle réside dans la modification profonde du contrat social que la crise du Covid-19 vient révéler.
S’il est un effet de la crise sanitaire sur lequel tout le monde s’accorde, c’est son caractère de changement d’ère. Selon que l’on se place dans la perspective d’une humanité inquiète vis-à-vis des nombreux périls qui s’amoncèlent avec la multiplication des manifestations de la crise écologique, ou dans la perspective grandiose d’une grande refondation (Grande Réinitialisation ou Build Back Better), la crise sanitaire est perçue comme un moment de transition, plus exactement de révélation, au sens biblique du terme, comme le soutient l’essayiste britannique Paul Kingsnorth.
Cette révélation, c’est le basculement dans un nouvel ordre, dans une nouvelle normalité, et une expérience unique dans l’histoire de l’humanité qui consiste à vouloir poursuivre le projet de construction d’une société mondiale homogène non plus seulement sur la base de promesses d’un bonheur matériel sans cesse croissant, mais en la fondant sur le projet insensé de fuite éperdue devant la mort. Puisque le projet de construction d’un grand marché anonyme mondial – et du gouvernement mondial qui en est le corollaire – ne suffit pas pour assurer l’unanimité nécessaire qui permettra de réaliser la société mondiale homogène, la pandémie de Covid-19 fournit un argument encore plus incontestable : celui de la peur de la mort.
Ou plus précisément, comme Castoriadis l’avait pressenti, ce nouvel ordre prétend fonder une unanimité totale, à grand renfort de contrainte, sur la récusation et le refus du savoir de la mortalité, un savoir à partir duquel les sociétés qui nous ont précédés organisaient toute production de sens et de signification.
Ce n’est pas un accident si la crise du Covid-19 survient alors que se livre un combat pour que la conscience de l’effondrement devienne de plus en plus intériorisée autour du thème du dérèglement climatique, une question qui a éclipsé toutes les autres manifestations de la crise écologique comme les pollutions ou l’appauvrissement des sols.
La peur apocalyptique de la sixième extinction causée par le dérèglement climatique devenait progressivement le substitut de la promesse d’une abondance et d’un confort matériels sans cesse croissants pour entretenir la foi dans le progrès et cette croissance qui se dérobait depuis des décennies. Faisant écho aux thèses de Hans Jonas popularisées dans la décennie 1970, la grande peur du dérèglement climatique s’annonçait comme une injonction à faire confiance dans la capacité de la machine à nous sauver des dégâts que l’humanité, en tant qu’entité abstraite, s’inflige à elle-même et à son milieu.
On rappellera à cet égard la phrase extraordinaire de Greta Thunberg prononcée au Forum Économique de Davos en janvier 2019 : « Je ne veux pas de votre espoir, parce que je ne veux pas que vous ayez de l’espoir. Je veux que vous paniquiez ». Mais malgré le déploiement de la grosse artillerie de la peur, l’apocalypse climatique, par ses effets différés, peinait à produire des effets suffisamment visibles pour susciter cette peur unanimisante.
Étude réalisée par Renaud Beauchard
Étude publiée par la Fondation Patriotes pour l’Europe