La légitimité et les conséquences des embargos
Quand le droit, la finance et l'économie rencontrent la guerre
La guerre déclenchée en Ukraine en février 2022 par « l’opération spéciale » de l’armée russe a suscité une réponse presque immédiate de la part de la majorité des pays de l’Union européenne, de la Grande-Bretagne et des États-Unis ainsi que de leurs alliés : l’adoption de sanctions économiques et financières à l’encontre de la Russie.
Ces sanctions s’inscrivent dans une longue série ; plus d’une centaine d’embargos ou de sanctions ont été mis en vigueur depuis 1990. Les sanctions contre la Russie adoptées en 2022 s’ajoutent à des sanctions déjà exercées depuis l’annexion de la Crimée, à la suite du coup d’État réalisé en Ukraine avec l’aide des États-Unis (ingérence revendiquée par Mme Victoria Nuland). Elles revêtent pourtant un caractère exceptionnel par leur cible – l’une des grandes puissances mondiales, membre du Conseil de Sécurité de l’ONU -, par leur périmètre – la Russie étant une puissance mondiale, le commerce mondial est touché -, et par une ambition agressive proclamée (« mettre à genoux l’économie russe », a déclaré Bruno Le Maire, ministre français de l’économie), complétée par de surabondantes livraisons d’armes.
Certaines mesures qui ont accompagné ces sanctions sont sans précédent, comme la saisie par les États-Unis de 300 milliards d’avoirs en dollars de la Banque centrale de Russie, membre de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), ou encore la saisie sans jugement ni condamnation des avoirs détenus à l’étranger de présumés « oligarques » russes.
La légalité de sanctions adoptées à la hâte, sans réel débat et sans procédure d’évaluation et de validation, peut poser question. Les pays qui les ont adoptées les premiers les présentent comme la réponse nécessaire et urgente à ce qu’ils désignent comme une agression russe et ont proposé à l’Assemblée générale de l’ONU de les valider et de leur donner une légalité internationale en même temps qu’une portée universelle. Mais un nombre significatif de pays a voté contre les sanctions, tandis qu’un plus grand nombre d’autres pays, notamment asiatiques, africains, et aussi sud-américains, choisissait de s’abstenir. Seules 65 nations sur les 190 que comptent les Nations Unies ont voté les sanctions voulues par les États-Unis et l’Union européenne.
Les pays qui n’ont pas voté les sanctions contestent les accusations occidentales portées contre la Russie, alors même que le gouvernement ukrainien n’a pas respecté les accords de Minsk et les droits de la minorité russophone ou hongrophone du pays. Ils s’interrogent sur le caractère prétendument injustifié de l’opération russe, alors même que l’OTAN a mis en place un encerclement militaire de la Russie et que les États-Unis ont rompu unilatéralement les accords de limitation des armements, notamment des missiles de moyenne portée installés à l’Est de l’Europe et menaçant directement la Russie.
Ils interrogent les révélations d’origine russe sur des laboratoires de guerre chimique et bactériologique, ainsi que sur les centres nucléaires installés sur le territoire ukrainien, au mépris de toutes les règles internationales imposées avec tant de rigueur, par exemple, à l’Iran. Ils s’opposent au principe même de sanctions qui n’ont pas été débattues par les Nations-Unies avant d’être imposées, et ils dénoncent les effets directs et indirects de sanctions qui pourraient toucher des pays tiers plus sévèrement que les pays impliqués dans le conflit (Russie, Ukraine, Union européenne ou États-Unis), notamment en Afrique.
Il a été souligné que ces pays représentent les deux tiers de la population mondiale et 45 % du PIB mondial.
Étude publiée par la Fondation Identité et démocratie