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Lettre Diplomatie & Défense
Une large partie de l’orientation actuelle de la diplomatie américaine et de son
système de défense est due à un homme récemment décédé, Ashton B. Carter,
25ème Secrétaire d’Etat à la défense des Etats-Unis (2015-2017).
Un retour à la « compétition des grandes puissances »
Confirmé en tant que secrétaire en février 2015 après une audition au Sénat – mais pas comme le premier choix d’Obama – M. Carter a hérité d’une armée qui se battait toujours intensément avec les extrémistes islamiques en Afghanistan, en Syrie et en Irak, était sommée de repositionner en Europe après la prise de la Crimée et de l’est du Donbass par la Russie et devant exécuter la manoeuvre lourde et complexe du « pivot vers le Pacifique » que l’administration Obama avait proclamé en 2012.
La compétition entre grandes puissances est devenue un classique de l’analyse
internationale, mais à l’époque, Carter l’avait théorisée, anticipée et préparée : « Deux
de ces défis reflètent un retour à la concurrence des grandes puissances », a déclaré
Carter en 2016. « Le premier se situe en Europe, où nous adoptons une approche forte et
équilibrée pour dissuader l’agression russe… Le second se situe en Asie-Pacifique où la
Chine est en plein essor. ».
C’est à lui que l’on doit la lente mais nette politique de diversification dans la
politique d’acquisitions de l’Inde : jugée comme le pivot majeur de la résistance à la
Chine, l’Inde a été ciblée dès 2015 comme une cible stratégique que les Etats-Unis
devaient faire basculer dans leur giron, en dépit du tropisme russe du pays.
Rapidement, le mouvement amorcé avant lui, prendra l’allure d’une politique
centrale des Etats-Unis dans la région. Les ventes d’armes ont servi à accompagner
ce mouvement : avions de patrouille maritime à long rayon d’action P-8 Poseidon,
hélicoptères lourds de manoeuvre et de combat, avions de transport tactiques C-130J
et stratégiques C-17. Rapidement également, ces ventes d’armes détrônent la Russie
et concurrencent la position d’Israël sur le podium des trois meilleurs fournisseurs
de l’Inde. La relation avec le Japon, souvent considérée comme allant de soi par ses
prédécesseurs a été elle aussi minutieusement pensée, comme en témoignent les
accords étatiques et commerciaux dans l’armement.
Nécessitant « une stratégie de compensation » accélérée
Faire face aux puissances de compétition nécessitait une remise en ordre dans les
affaires passablement troublées du Pentagone où l’échec flagrant et ruineux des
projets d’acquisition (F-35 comme LCS ou destroyer Zumwalt) menaçait l’édifice de
réarmement américain tout entier.
Sommaire
AMÉRIQUE DU NORD & EUROPE
- Etats-Unis: l’héritage stratégique durable de M. Ashton Carter
- Europe: basculements en série
GOLFE
- EAU: rappel clair de la politique étrangère suivie
- Arabie saoudite: l’Asie comme complément aux Etats-Unis
CAUCASE
- Turquie: les outils d’une pénétration africaine
- Azerbaïdjan: vers l’ouverture d’une ambassade à Tel-Aviv
Défense
- Etats-Unis: mainmise sur les acquisitions européennes
- Avion de combat franco-allemand: victoire française
mais vigilance sur l’évolution du dossier en Allemagne - La hausse des budgets profite à l’industrie nationale ou
étrangère, moins aux projets en coopération - Allemagne : vote du budget de la Défense, le plus
important jamais voté