Élections en Catalogne : la fin des indépendantistes ?

Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous intéressons aux élections en Catalogne.

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Dimanche 12 mai avaient lieu des élections anticipées au Parlement de Catalogne. L’Espagne était un état décentralisé, les régions ont beaucoup de pouvoir et c’est particulièrement le cas en Catalogne où existe un fort mouvement nationaliste, autonomiste ou indépendantiste. En 2017, le gouvernement régional de Catalogne mené par Carles Puigdemont avait déclaré l’indépendance de la région, ce qui avait mené à de très fortes tensions et à une répression violente de la part du gouvernement espagnol. Depuis 2017, le gouvernement régional de Catalogne est dirigé par les indépendantistes modérés du parti ERC (Gauche républicaine de Catalogne). Ces élections régionales en Catalogne sont donc importantes pour l’Espagne et l’un des enjeux est de savoir si les indépendantistes vont maintenir leur domination sur la région ou au contraire la perdre.

Après une forte période de tension, la question de l’indépendance semble connaître une certaine détente. La région est dirigée par le parti ERC, la Gauche républicaine de Catalogne, un parti de gauche indépendantiste modéré, moins radical que le parti de Puigdemont, Juntsper Catalunya (Ensemble pour la Catalogne). Par ailleurs, le gouvernement espagnol actuel est composé d’une coalition regroupant notamment la gauche socialiste (Parti socialiste ouvrier espagnol, Parti des socialistes de Catalogne) et les nationalistes catalans (Gauche républicaine de Catalogne et Junts per Catalunya) ce qui a amélioré les relations entre Madrid et Barcelone. Par ailleurs, la situation économique difficile et l’augmentation de l’immigration ont vu les questions du pouvoir d’achat et de l’insécurité prendre de l’importance dans le débat public catalan. Néanmoins, Puigdemont et son parti cherche à maintenir la question de l’indépendance au premier-plan. Il a d’ailleurs annoncé que si jamais il échouait à devenir président de la région à l’issue de ces élections, il se retirerait de la vie politique. La campagne est ainsi traversée par ces deux questions : d’un côté des sujets nationaux espagnols (le pouvoir d’achat, l’insécurité, l’immigration) et d’un autre côté, la question de l’indépendance de la Catalogne.

Les forces politiques en présence

La situation politique en Catalogne est compliquée du fait de la présence d’un double clivage : d’un côté, le clivage gauche-droite classique présent dans toute l’Espagne et d’un autre côté, un clivage entre indépendantistes catalans et unionistes pro-Espagne. Cela conduit à une multiplication des partis politiques. Du côté indépendantiste, trois partis historiques sont à noter : à droite, Ensemble pour la Catalogne (Junts), le parti de droite indépendantiste radical de Puigdemont et à gauche, ERC, la Gauche républicaine de Catalogne. À ces deux partis s’ajoute un parti d’extrême-gauche indépendantiste, la Candidature d’unité populaire (CUP). Enfin, depuis peu, émerge une droite nationaliste catalane anti-immigration représentée par l’Alliance catalane. Ce nationalisme catalan marqué à la droite radicale est une rupture avec le nationalisme catalan historique, traditionnellement favorable à l’immigration, notamment marocaine, dans laquelle il voit une manière de réduire la proportion d’hispanophones en Catalogne. En face de ces partis existent des partis loyalistes, déclinaison locale des grands partis espagnols : à gauche, le Parti des socialistes de Catalogne ; à droite, le Parti populaire, conservateur, et Vox, nationaliste. A cela s’ajoute le parti de gauche radicale, Comuns Sumar, globalement loyaliste mais favorable à l’auto-détermination du peuple catalan.

Les résultats des élections

Le Parti des socialistes de Catalogne a remporté ces élections avec 28% des voix, devant la droite indépendantiste Junts qui progresse malgré tout avec 21,6% des voix. La grande perdante de ces élections est la gauche indépendantiste ERC qui s’effondre et tombe à 13,7% des voix juste devant la droite unioniste du Parti populaire qui elle gagne 7 points et obtient 11% des voix. La gauche radicale, tant unioniste qu’indépendantiste, s’effondre tandis que les nationalistes catalans de l’Alliance catalane entrent au parlement. Dans ces résultats, se reflète l’importance des thèmes du pouvoir d’achat, qui a bénéficié à la gauche socialiste, et de l’immigration et de l’insécurité qui ont bénéficié aux droites conservatrices et nationales. Les socialistes sont les grands vainqueurs de ces élections et peuvent espérer créer une majorité gouvernementale. Le pari semble perdu pour Puigdemont puisque pour la première fois depuis 2012, les indépendantistes ont perdu leur majorité en réalisant leur moins bon score depuis 1980. Néanmoins, tout n’est pas encore perdu pour eux. En effet, une alliance des unionistes est impossible puisque les socialistes refusent de gouverner avec les nationalistes de Vox. La seule possibilité pour une majorité dirigée par les socialistes serait une coalition regroupant ces derniers, la gauche radicale (Comuns Sumar) et la gauche indépendantiste (ERC). Mais il pourrait être dangereux pour ERC de rompre le front uni des indépendantistes pour se rallier aux unionistes. A l’inverse, des nouvelles élections risqueraient de tourner à la catastrophe pour l’ERC car ces dernières risqueraient de tourner à un duel entre les socialistes et les indépendantistes de Junts. Puigdemont peut donc encore espérer de nouvelles élections qui seraient probablement favorables à son parti, voire un gouvernement indépendantiste minoritaire. Dans tous les cas, trouver une majorité va être difficile.

Le gouvernement de gauche du socialiste Pedro Sanchez repose notamment sur une coalition entre la gauche socialiste, la gauche radicale et les indépendantistes catalans. La formation d’un gouvernement composé des mêmes forces en Catalogne viendrait renforcer le gouvernement socialiste. A l’inverse, si jamais cette alliance venait à échouer, notamment si la gauche indépendantiste refusait de gouverner avec les socialistes et que de nouvelles élections avaient lieu en Catalogne (ou qu’un gouvernement indépendantiste venait malgré tout à voir le jour), cela pourrait venir affaiblir la majorité au niveau espagnol de Pédro Sanchez et recréer une nouvelle crise indépendantiste en Catalogne.

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