Rapport - Europe et Eurasie, Stratégie et géopolitique

L’Europe est désarmée, moralement, comme elle est désarmée militairement et Poutine le sait.

Après trente-trois ans de paix fragile sur notre continent, alors que partout ailleurs les tambours de la guerre battaient leur tempo, il paraissait inconcevable qu’un conflit majeur éclate à quelques heures de nos frontières, rappelant les pires heures de notre histoire. 

Alors, entre le moment où j’écris — en cette semaine décisive du tout début de ce mois de mars, où les forces russes envahissent l’Ukraine et encerclent les principales villes, que des populations, surtout des femmes et des enfants, fuient vers l’ouest, et que d’autres hommes et femmes prennent les armes pour résister — et le moment où je serai lu, la situation aura évolué.

C’est donc avec beaucoup d’humilité que j’aborderai ce sujet de la déstabilisation en Europe, en ayant conscience que quels que soient les États et les inconséquences des dirigeants, les peuples sont toujours victimes de la folie des hommes.

Cela me fait penser à un mythe : celui d’Europe.

Cette histoire d’Europe commence par un viol et un cocufiage.

Europe, qui était la fille du roi Agénor, roi de Tyr, et de Téléphasa, attira un jour l’intérêt de Zeus, chef de l’Olympe. Celui-ci se serait épris de sa beauté et de sa grâce et aurait immédiatement mis en œuvre un plan très habile.

Pour éviter de déclencher la haine de sa femme Héra, particulièrement jalouse, et se faire remarquer par la jeune fille, Zeus décida de se métamorphoser en un ravissant taureau blanc. Europe, dit-on, fut attirée par ses flancs charmants, le caressa avant de monter sur son dos.

Alors, Zeus enleva Europe et nagea jusqu’en Crète, où il reprit son vrai corps et visage avant de la violer. Celle-ci tomba enceinte et mit au monde Minos, un petit garçon qui allait devenir roi de Crète.

L’Union européenne fait donc référence à ce mythe : celui d’une ingénue et d’un mystificateur. Mais aussi celui d’une naissance, celle d’un roi dont l’origine provient d’un viol.

Ainsi, l’Europe de Robert Schuman en 1950, après deux guerres mondiales et des millions de morts, dont l’Holocauste, est née par la souffrance et d’une idée simple qui s’imposait : la réconciliation franco-allemande et la construction en Europe d’un espace de paix et de stabilité.

Ce qu’il en est advenu est un autre problème ; ce qu’il en sera n’est pas l’objet de mon propos.

Pourtant, le retour au tragique nous rattrape. Les sirènes de la peur déchirent des villes d’Ukraine, et les populations de l’Ouest, stupéfaites, observent en comprenant un peu tard que ce qui se passe là-bas pourrait éventuellement se passer ici. Nous nous retrouvons face à un conflit que certains pensaient impossible.

Mais cette surprise stratégique n’en était pas une. Nos dirigeants avaient, depuis fort longtemps, les clés de la compréhension pour prévenir cette crise. Et quand rien n’est prévu, tout est imprévu !

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