Opportunité et faisabilité d'une BIA en Nouvelle Calédonie

Le renforcement de la présence militaire en Nouvelle-Calédonie s’inscrit dans un contexte fait d’héritage historique et de bouleversements géopolitiques où nombreux sont les défis et les enjeux pour la France et l’Union européenne.

 

Par ses possessions dans le Pacifique héritées de la longue Histoire, la France est une Nation du Pacifique, reconnue de ses voisins et qui a sa partition à jouer dans les bouleversements à venir. Membre fondateur de l’Union européenne, particulièrement impliquée dans les débats stratégiques et la question du renforcement du pilier européen de l’OTAN, la position de la France joue également un rôle déterminant sur l’ensemble de la politique indopacifique de l’Union européenne depuis sa conception jusqu’à sa mise en œuvre.

 

Partenaire régulier des pays de l’ASEAN, observateur depuis 2019 de l’ASEAN Defence Ministers’ meeting Plus, membre du South Pacific Defence Ministers’ Meeting (SPDMM), plate-forme de dialogue, d’échanges et de coordination qui regroupe sept Etats riverains du Pacifique, la France est également un participant attendu aux Shangri-La Dialogues organisés annuellement à Singapour. Par ailleurs son statut de membre de la Commission d’armistice militaire (UNCMAC) de la Guerre de Corée lui confère un surcroît de légitimité auprès de nombreux pays de la côte asiatique.

 

Consciente de son rôle, la France s’est dotée dès 2019 d’une stratégie Indopacifique qui, équilibrée, promeut le multilatéralisme et la liberté des mers, récuse, mais sans naïveté, toute velléité belliqueuse et se refuse, au contraire des Etats-Unis, d’apparaitre orientée contre le géant chinois. Cette stratégie indopacifique française préfigure, dans sa version nationale, les grandes lignes de la stratégie indopacifique de l’Union européenne qui sera adoptée en 2021. Par ailleurs, l’actualisation récente de la « revue nationale stratégique » de 2025, confirme la volonté française de contribuer à l’essor d’une approche européenne de la zone Indopacifique.

 

La Chine continue cependant de pousser ses pions dans la Pacifique. Elle avance dans la mer de Chine méridionale où elle multiplie les contentieux territoriaux notamment aux Spratleys et Paracels mais aussi dans l’immensité du Pacifique et bien au-delà des bases américaines de Guam et d’Hawaï que ce soit sous la forme d’accords commerciaux (Papouasie-Nouvelle Guinée, Tonga, Fidji et Nouvelle Zélande) ou d’accords de sécurité (Îles Salomon et Kiribati).

 

Face à cette stratégie expansionniste, les Etats-Unis ont conceptualisé dès 2011 avec le Président Obama une politique de rééquilibrage de l’Europe vers l’Asie (Pivot to Asia) en consolidant des alliances avec des pays clés du Pacifique. L’alliance AUKUS (Etats-Unis – Australie – Royaume Uni) en 2021, qui a entrainé l’annulation d’un marché considérable de sous-marins pour Naval Group, ou le dialogue de sécurité du QUAD (Australie Inde –Japon – Etats-Unis) sont des exemples de cette stratégie assumée, notamment par le Président Biden, d’endiguement de la puissance chinoise. L’approche du président Trump, jugée par certains plus « transactionnelle », pourrait déplacer le curseur vers les aspects économiques au détriment des questions sécuritaires, même s’il est trop tôt pour en tirer des conclusions. L’Union européenne doit s’adapter à cette évolution stratégique, à la montée en puissance de l’affrontement sino-américain, et moduler la part respective de soft et de hard power de sa stratégie indopacifique en valorisant ses outils de protection de la liberté des mers et sa présence militaire au sein de l’espace indopacifique, et notamment dans le Pacifique sud.