Depuis l’Antiquité, la connaissance de la démographie constitue un pilier fondamental de toute construction politique. Dans la Rome impériale comme dans les États modernes, le recensement a toujours été indissociable de la puissance militaire, de la fiscalité et de la légitimité politique (cf. Institut Montaigne). Ce lien structurel entre l’État et la population demeure central aujourd’hui, notamment dans le contexte européen.
Alors que l’expansion démographique fut longtemps synonyme de prospérité et de puissance, l’Union européenne (UE) est désormais confrontée à une dynamique inverse : un déclin démographique profond et durable. Cette crise se caractérise avant tout par un solde naturel négatif, c’est-à-dire un nombre de décès supérieur à celui des naissances. En 2024, l’UE a enregistré un déficit naturel de plus de 1,2 million de personnes. Le taux de fécondité moyen se situe très en deçà du seuil de renouvellement des générations fixé à 2,1 enfants par femme. Ce phénomène concerne l’ensemble du continent, y compris des pays longtemps perçus comme relativement protégés, à l’image de la France.
Pourtant, malgré cette érosion naturelle, la population totale de l’Union européenne atteignait 450,4 millions d’habitants au 1er janvier 2025, soit une légère augmentation d’environ un million de personnes en un an. Cette croissance apparente ne repose toutefois que sur un seul facteur : un solde migratoire positif. L’immigration est ainsi devenue un élément structurant — voire déterminant — de la démographie européenne.
Cette évolution alimente une tension politique majeure. D’un côté, les institutions européennes présentent l’immigration comme une réponse pragmatique aux défis démographiques, permettant de compenser la baisse de la population active et d’atténuer les pénuries de main-d’œuvre. De l’autre, une part importante des opinions publiques exprime une inquiétude croissante face à ce recours structurel. En 2024, 53 % des Européens considéraient l’immigration comme un problème pour leur pays, et 71 % estimaient que leur pays accueillait trop de migrants.
Ce décalage entre la logique institutionnelle et la perception citoyenne est central pour comprendre les dynamiques à l’œuvre. Selon l’Eurobaromètre, 81 % des Européens jugent que la gestion des enjeux démographiques doit devenir une priorité politique. Cette préoccupation se structure autour de trois grandes questions :
Avec l’allongement de l’espérance de vie, comment assurer une existence de qualité aux personnes âgées ?
Face au vieillissement des sociétés, comment financer durablement le modèle social ?
Enfin, le recours à l’immigration est-il inéluctable ?
C’est dans ce contexte que s’inscrit la présente étude, dont l’objectif est de mettre en relation les indicateurs démographiques et la perception qu’en ont les citoyens européens. Face à la « boîte à outils » proposée par l’Union européenne, il s’agit d’initier une réflexion réaliste, tenant compte de l’état des opinions publiques. À partir de données souvent parcellaires, l’analyse s’articule autour de quatre axes : l’évolution démographique et ses indicateurs clés ; la perception de cette crise par les opinions publiques ; le jugement porté sur l’impact de l’immigration extra-européenne ; et enfin les attentes citoyennes à l’égard des politiques publiques de soutien démographique.
Étude publiée par la Fondation Patriots for Europe