Les régulateurs audiovisuels européens
La régulation des médias audiovisuels : un enjeu démocratique européen
La régulation des médias audiovisuels constitue l’un des enjeux contemporains les plus cruciaux pour la vie démocratique européenne. L’émergence et la multiplication des canaux de diffusion mettent à l’épreuve les normes juridiques existantes, tout comme la diversification des acteurs, qui contribue pourtant au pluralisme démocratique.
Néanmoins, cette évolution impose aux droits nationaux de relever un double défi : garantir le libre accès à l’information, tout en préservant les conditions d’un débat public ordonné, pluraliste, et non capté par des intérêts privés ou étrangers – en particulier lorsque ces derniers poursuivent des objectifs manifestement hostiles aux systèmes démocratiques européens.
Ainsi, le droit de la régulation audiovisuelle demeure un terrain à la fois intense et fragile, marqué par la tension entre la liberté d’expression et la protection de l’ordre public informationnel.
Dans le cadre de l’Union européenne, cette régulation ne relève plus uniquement des compétences nationales. Depuis les années 1990 – et plus encore avec les directives de 2010 et 2018, puis avec le règlement (UE) 2024/1083, connu sous le nom de European Media Freedom Act – l’Union européenne a progressivement élaboré un cadre normatif commun, structuré autour de principes affichés (du moins en apparence) de liberté, d’indépendance et de pluralisme des médias.
Dans cet esprit, le règlement de 2024 a institué une nouvelle autorité : le Comité européen pour les services de médias (CESM).
Cependant, certaines dispositions de ce texte suscitent des inquiétudes, notamment en ce qui concerne la lutte contre la « désinformation ». Nous reviendrons sur ces aspects au cours de notre étude.
Une régulation européenne entre protection du pluralisme et risque de standardisation idéologique
Depuis plusieurs décennies – et avec une nette accélération au cours des dix dernières années – on observe une influence significative du droit de l’Union européenne sur les règles nationales de régulation en matière audiovisuelle.
Dès lors, une question s’impose :
La régulation européenne des médias constitue-t-elle une véritable protection du pluralisme, ou représente-t-elle une menace à son encontre ?
Autrement dit, cette convergence normative européenne, fondée sur des principes a priori consensuels, ne risque-t-elle pas de produire un pluralisme de façade, dans lequel les voix les plus vigoureuses – parce que « clivantes » – seraient écartées au motif qu’elles contredisent l’idéologie dominante au sein de la Commission européenne ?
Derrière le vocabulaire technique et feutré du droit européen se dessine une ligne de fracture plus politique : celle qui oppose une conception ouverte du débat public, acceptant le dissensus et le désaccord, à une vision plus régulée et politique, dans laquelle la diversité n’est admise que si elle demeure compatible avec les normes dominantes du discours public.
Le danger ne réside pas tant dans l’existence même de règles – indispensables à tout cadre normatif d’expression démocratique – que dans leur interprétation subjective, exercée par des instances européennes dépourvues de légitimité démocratique directe.
C’est cette tension que notre étude entend mettre en lumière.
Son ambition : présenter, comparer et analyser les cadres et autorités de régulation existants au sein de l’Union européenne, en soulignant les points de convergence et de divergence, en analysant les forces et les limites de chaque modèle national (Allemagne, Belgique, Italie, Pologne), avant d’examiner, à partir du cas français – en particulier celui de l’ARCOM –, l’influence croissante du droit européen en matière audiovisuelle.
Cette démarche est d’autant plus nécessaire que l’Union européenne, sous couvert de promouvoir la liberté des médias, tend à développer une ingénierie normative de plus en plus intrusive.
Les notions de « désinformation », d’« incitation à la haine » ou encore de « contenu clivant » deviennent alors des catégories politiques opérantes, sans pour autant reposer sur des définitions rigoureusement établies et partagées.
Étude publiée par la Fondation Patriots for Europe