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Démission de Justin Trudeau : la fin de l'ère woke au Canada ?
Début mars 2025, le Canada a désigné un nouveau Premier ministre en remplacement de Justin Trudeau, marquant ainsi la fin d’une époque.
Ecoutez l’analyse complète de Raphaël Audouard ci-dessous:
Après près d’une décennie au pouvoir, Justin Trudeau a vu sa popularité s’effondrer, victime de l’usure du pouvoir et de ses positions progressistes très affirmées. Leader du Parti libéral du Canada, il a longtemps été le symbole du multiculturalisme et des politiques woke, ce qui lui a valu des soutiens mais aussi une opposition croissante.
Face à une crise politique grandissante et à des échecs électoraux successifs, notamment lors des dernières élections locales, Trudeau a été contraint de démissionner sous la pression de son propre camp. Chrystia Freeland, sa bras-droit, a également quitté ses fonctions, ouvrant la voie à une nouvelle élection interne au sein du Parti libéral.
Le contexte international et la remontée des libéraux
Mark Carney est le successeur surprise. Contre toute attente, c’est lui qui a remporté les primaires du Parti libéral avec 87 % des voix. Ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d’Angleterre, cet économiste chevronné a su convaincre en promettant un recentrage du Parti libéral. S’il reste progressiste, il a critiqué les excès de l’ère Trudeau et entend remettre l’accent sur l’économie et la gouvernance plutôt que sur l’idéologie woke et le multiculturalisme exacerbé.
Sa nomination a eu un effet immédiat : les sondages, qui donnaient le Parti libéral largement distancé par les conservateurs, montrent maintenant un resserrement spectaculaire, rendant les élections à venir beaucoup plus incertaines.
Un élément extérieur a également joué en faveur du Parti libéral : les déclarations de Donald Trump sur une possible annexion du Canada. Cette provocation a suscité une réaction patriotique parmi les Canadiens, renforçant l’image du Parti libéral comme défenseur des valeurs et de la souveraineté canadiennes. Historiquement, le nationalisme canadien s’est construit en opposition aux États-Unis et à leur modèle conservateur.
La nomination de Mark Carney a eu un effet immédiat : les sondages, qui donnaient le Parti libéral largement distancé par les conservateurs, montrent maintenant un resserrement spectaculaire, rendant les élections à venir beaucoup plus incertaines.
Le Parti conservateur en difficulté face à un rejet de l’américanisation
Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur, incarne une ligne plus à droite et populiste que ses prédécesseurs, dans la lignée des conservateurs anglo-saxons contemporains. Cependant, ce positionnement radical semble dérouter une partie des électeurs de centre-droit, qui pourraient être tentés par l’approche plus modérée de Carney.
La difficulté du Parti conservateur tient à une fracture interne : doit-il défendre un statu quo qui inclut les avancées progressistes mises en place par Trudeau, ou adopter une posture plus réactionnaire et populiste ? Ce dilemme rappelle les tensions au sein du Parti républicain américain entre l’establishment conservateur et les partisans de Donald Trump.
Si le Parti conservateur canadien n’est pas favorable à une annexion par les États-Unis, son positionnement plus proche des républicains américains le rend suspect aux yeux de nombreux électeurs. Son ouverture au libre-échange et aux politiques économiques américaines renforce cette perception, alors que le Canada a toujours cultivé une identité distincte.
Au Québec, la situation est particulièrement sensible. L’idée d’une annexion étatsunienne inquiète les nationalistes québécois, qui craignent une marginalisation accrue des francophones. Ainsi, les partis nationalistes de gauche connaissent une montée en puissance, ce qui pourrait compliquer encore davantage la tâche des conservateurs.
Vers un nouvel équilibre politique ?
L’éviction de Justin Trudeau ne signifie pas la fin du progressisme au Canada. Si son départ acte l’échec d’une vision radicale du wokisme, il ne marque pas pour autant un basculement à droite. Mark Carney incarne un libéralisme modéré, recentré sur l’économie et la bonne gouvernance, qui pourrait rassembler une majorité d’électeurs.
Les conservateurs, de leur côté, doivent clarifier leur positionnement et surmonter leurs divisions internes pour espérer l’emporter. Quant aux nationalistes québécois, ils pourraient profiter de cette réorganisation du paysage politique canadien pour renforcer leur influence.
Ainsi, si l’ère Trudeau prend fin, le Canada ne semble pas prêt à tourner totalement la page du progressisme. Loin d’être un simple changement de leader, ce bouleversement pourrait redessiner l’échiquier politique du pays pour les années à venir.