29 juin 2025

Interview - Pierre Gentillet : Bruxelles place les médias européens sous tutelle

À l’occasion de la conférence du 2 juillet, la Fondation Patriots for Europe publie une étude inédite sur l’évolution du paysage réglementaire des médias en Europe. Alors que la liberté d’expression est de plus en plus encadrée par des régulateurs nationaux, une nouvelle étape vient d’être franchie : la mise en place, par Bruxelles, du Comité européen pour les services de médias (CESM), chargé d’harmoniser les décisions nationales selon les standards définis par l’Union.
Dans cette interview exclusive, l’auteur de l’étude, Pierre Gentillet, décrypte les conséquences de cette recentralisation silencieuse du pouvoir médiatique et alerte sur une dérive technocratique qui pourrait durablement affaiblir le pluralisme démocratique en Europe.

Loin d’un simple exercice technique, la régulation des médias est devenue un levier politique décisif au sein de l’Union européenne. Dans une note juridique et politique approfondie, la Fondation Patriots for Europe met en lumière la manière dont Bruxelles, par l’intermédiaire du tout nouveau Comité européen pour les services de médias (CESM), impose progressivement ses standards aux autorités de régulation nationales. L’avocat Pierre Gentillet, auteur de l’étude, revient ici sur les enjeux de cette évolution structurelle, qu’il qualifie de mise sous tutelle. Pour lui, ce processus menace directement la diversité des opinions, l’autonomie démocratique des États membres, et in fine, la liberté d’expression elle-même.

Des régulateurs nationaux fragilisés face à une logique de contrôle idéologique

La première partie de l’étude propose un tour d’horizon comparé de plusieurs États membres de l’Union : Allemagne, Belgique, Italie, Pologne, France. Chaque pays dispose d’un modèle institutionnel propre, souvent hérité de son histoire. Mais tous sont confrontés à une même difficulté : garantir le pluralisme sans sombrer dans une logique de contrôle idéologique.

En Allemagne, la régulation est confiée aux Länder, mais les chaînes publiques sont parfois accusées d’écarter les opinions conservatrices ou patriotes. En Belgique francophone, le « cordon sanitaire » appliqué par la RTBF contre certains partis contredit directement l’idée de pluralisme. À l’inverse, l’Italie et la Pologne assument le caractère politique de leurs autorités de régulation, les ancrant dans un équilibre démocratique plus transparent. La France, elle, se distingue par la puissance de l’ARCOM… et par son absence de contrôle parlementaire.

Le CESM, un levier pour centraliser la régulation au niveau européen

Mais au-delà des différences nationales, l’étude met en lumière un mouvement plus profond : l’européanisation de la régulation audiovisuelle. Depuis la directive SMA (révisée en 2018) jusqu’au tout récent règlement européen 2024/1083 (European Media Freedom Act), la Commission multiplie les textes à portée contraignante.

Derrière des objectifs consensuels — protection des mineurs, lutte contre les ingérences étrangères — apparaissent des termes vagues et subjectifs : “contenus clivants”, “discours de haine”, “désinformation”. Autant de notions qui, laissées à l’interprétation des régulateurs, peuvent justifier l’exclusion de toute parole non conforme.

La création du Comité européen pour les services de médias (CESM) consacre cette logique. Présentée comme une instance de coordination, cette structure peut en réalité émettre des recommandations que les régulateurs nationaux devront appliquer. Un outil de plus dans un dispositif de centralisation idéologique.

Réaffirmer la souveraineté médiatique et le pluralisme démocratique

Loin de se limiter à la dénonciation, l’étude avance plusieurs pistes de réforme, tant au niveau européen que national :

  1. Clarifier les notions floues : sortir de l’arbitraire en encadrant juridiquement les concepts de « haine », « désinformation », etc.

  2. Reconnaître un pluralisme conflictuel : garantir la présence des courants minoritaires, même radicaux, dans l’espace médiatique, en particulier sur les chaînes publiques.

  3. Réformer l’ARCOM : rattachement au Parlement, délibérations publiques, encadrement des sanctions par une contre-expertise pluraliste.

La régulation des médias, trop souvent perçue comme un champ purement technique ou juridique, est aujourd’hui au cœur d’une bataille politique majeure. Derrière les discours sur la transparence, la lutte contre la désinformation ou la protection du pluralisme, se met en place un système de contrôle idéologique qui restreint progressivement la liberté d’expression au nom de valeurs prétendument “européennes”.

La création du CESM constitue un tournant centralisateur, au service d’un projet technocratique de gouvernance de l’information, où les autorités nationales ne seraient plus que de simples relais d’une ligne décidée à Bruxelles. Face à cette dynamique, l’étude défendue par Pierre Gentillet plaide pour un sursaut : redonner aux peuples la maîtrise de leur débat public, clarifier les règles, garantir un pluralisme réel, y compris pour les voix dissidentes.

Ce combat pour la liberté d’expression est, en réalité, un combat pour la souveraineté et pour la démocratie.

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