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Retour de Nigel Farage : retour du souverainisme britannique?
Huit ans après le Brexit, Nigel Farage signe un retour tonitruant sur la scène politique britannique. Porté par une dynamique populaire inédite, son parti Reform UK pourrait bien rebattre les cartes du paysage politique, menaçant le bipartisme historique et incarnant une nouvelle révolution souverainiste face à l’échec des promesses du Brexit. Le retour du conservateur Nigel Farage marque t-il le retour du souverainisme britannique?
Ecoutez l’analyse complète de Raphaël Audouard ci-dessous:
Nigel Farage, le retour : vers un séisme politique ?
Huit ans après le référendum sur le Brexit, Nigel Farage pourrait bien être en passe de transformer l’essai. Porté par une dynamique populaire inédite, son parti – Reform UK – caracole désormais en tête des intentions de vote, avec plus de 25 % des voix dans certains sondages. Il dépasse même les conservateurs en nombre d’adhérents, devenant le premier parti de droite du pays. Une victoire symbolique pour celui qui avait quitté la vie politique après la victoire de Boris Johnson en 2019, avant de revenir sur le devant de la scène pour les élections de 2024.
Farage n’a jamais vraiment disparu. Artisan du Brexit, figure médiatique omniprésente, il s’est imposé comme la conscience intransigeante de la rupture souverainiste. À l’image de Donald Trump aux États-Unis, il s’affirme aujourd’hui comme l’homme de la rupture, de la constance, et du peuple trahi.
La fin du bipartisme britannique ?
Le Royaume-Uni a longtemps été gouverné par deux partis dominants : les travaillistes (Labour) à gauche, et les conservateurs (Tories) à droite. Ce système a été renforcé par un mode de scrutin particulièrement verrouillé : le “first-past-the-post” (scrutin uninominal majoritaire à un tour), où le candidat arrivé en tête dans une circonscription remporte le siège, même avec une faible majorité relative. Résultat : les petits partis sont mécaniquement écartés, même s’ils réalisent des scores importants à l’échelle nationale.
Ce verrou institutionnel a longtemps dissuadé toute alternative. Mais les lignes bougent. Reform UK, après avoir conquis l’opinion, pourrait bien bousculer les équilibres du Parlement. Aux dernières législatives en 2024, avec 14 % des voix, il n’avait obtenu que cinq sièges. Désormais, les sondages le placent devant les conservateurs. S’il confirme cette percée, le Reform Party pourrait, à terme, remplacer les Tories comme force dominante à droite.
Cette recomposition s’explique aussi par les trahisons perçues du Brexit : les conservateurs ont dilué les promesses, Boris Johnson a déçu, et les travaillistes n’ont pas tenu leur ligne critique de l’immigration. Le sentiment d’un abandon des classes moyennes et populaires est profond.
Le Brexit inachevé : vers une nouvelle révolution conservatrice ?
Nigel Farage incarne une réponse claire à cette désillusion. Fidèle aux promesses du Brexit, ferme sur l’immigration, critique du système bruxellois, il capte un électorat en demande de cohérence. Son positionnement est à la fois libéral sur le plan économique et protectionniste dans ses priorités nationales. Contrairement à Donald Trump, il évite les clivages identitaires trop radicaux : il s’est publiquement démarqué de figures comme Tommy Robinson et Elon Musk, préférant incarner une droite ferme mais respectable.
Face à lui, les partis traditionnels peinent à trouver une ligne claire. Les conservateurs tentent une riposte en musclant leur discours. Les travaillistes, au pouvoir, sont rattrapés par leur inaction. Tous sont désormais contraints de parler immigration, thème central du débat public.
Deux dynamiques se dessinent : d’une part, la montée irrésistible de la question migratoire comme clivage structurant de la vie politique ; d’autre part, l’impossibilité d’un véritable tripartisme. À terme, l’un des deux grands partis devra céder la place.
Un autre phénomène marquant émerge au sein de la jeunesse en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord : la montée de mouvements indépendantistes portés par des courants nationalistes de gauche. Ce regain identitaire montre que la question des racines et de l’appartenance traverse aujourd’hui l’ensemble du Royaume-Uni, bien au-delà des clivages partisans traditionnels.