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L'Europe peut-elle encore choisir sa politique migratoire ?

Fabrice Leggeri
Fabrice Leggeri est un haut fonctionnaire et député européen du Rassemblement National depuis 2024. Ancien directeur de l'agence Frontex (2015-2022), l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, il est membre des Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures ainsi que de la Commission spéciale sur le bouclier européen de la démocratie au Parlement européen. Il participe régulièrement à des émissions télévisées.
Dans cette interview réalisée à l’occasion de la conférence sur la politique migratoire de l’Europe le 27 juin 2025, Fabrice Leggeri, ex-directeur de l’agence Frontex et député européen Patriotes pour l’Europe, alerte sur le déni des élites face à l’immigration massive et dénonce le Pacte asile-migration qui fragilise la souveraineté des États.
L’Europe fait aujourd’hui face à un défi existentiel : peut-elle encore choisir sa politique migratoire ou est-elle condamnée à subir des flux incontrôlés dictés par des réseaux criminels, des ONG militantes et des institutions européennes déconnectées des réalités ?
Une politique migratoire européenne à géométrie variable
Face à la pression migratoire, les réponses des États européens divergent. Tandis que l’Italie de Giorgia Meloni et l’Allemagne sous Friedrich Merz prennent des mesures concrètes pour contrôler leurs frontières, la France d’Emmanuel Macron s’enlise dans l’inaction. L’Italie a ainsi réussi à réduire de 60 % les arrivées illégales depuis l’Afrique du Nord, tandis que l’Allemagne a rétabli des contrôles aux frontières intérieures et coupé les subventions fédérales aux ONG complices des filières migratoires.
En France, les gouvernements successifs s’obstinent dans une posture de déni, refusant d’admettre l’existence même d’un problème migratoire. Emmanuel Macron incarne cette vision technocratique pour qui la question des frontières ne se pose tout simplement pas.
Le clivage entre élites et peuple : la facture migratoire en France
Ce déni migratoire révèle un fossé grandissant entre les élites dirigeantes et les aspirations des peuples européens. En Allemagne, la montée en puissance de l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), deuxième parti du pays, traduit un rejet massif de l’immigration incontrôlée. La droite traditionnelle allemande a su en partie intégrer ces aspirations populaires.
En France, au contraire, les gouvernants continuent d’ignorer l’exaspération des citoyens face aux conséquences économiques, sociales et sécuritaires de l’immigration massive. L’immigration est imposée par le haut, sans considération pour la volonté démocratique des peuples.
En France, l’immigration reste massivement sociale
Contrairement au discours officiel, la France ne connaît pas une immigration de travail significative. Seuls 15 à 17 % des titres de séjour sont délivrés pour des motifs professionnels, un chiffre équivalent à celui des réfugiés statutaires. La grande majorité des titres de séjour relève d’autres motifs : regroupement familial, considérations humanitaires ou régularisations diverses.
Cette « immigration de guichet social » met à rude épreuve les finances publiques et fragilise le modèle social français, tout en nourrissant le ressentiment d’une population souvent reléguée au second plan.
Pacte asile et migration : l’impuissance institutionnalisée
Le nouveau Pacte asile et migration de l’Union européenne, soutenu par Paris mais contesté par plusieurs États membres, entérine l’impuissance européenne. Plutôt que d’empêcher les entrées illégales, il organise leur redistribution entre les États, légalisant de fait un processus débuté dans l’illégalité.
Pourtant, entre 70 et 80 % des demandeurs d’asile voient leur demande rejetée en Europe. Le Pacte ne fait que renforcer un système absurde dans lequel l’entrée sur le territoire suffit à ouvrir des droits quasi impossibles à révoquer.
Frontex : une agence à refonder pour protéger les frontières
Symbole de cette dérive, Frontex est devenue une agence prisonnière d’une idéologie droits-de-l’hommiste qui paralyse son action. Loin de défendre les frontières européennes, l’agence voit ses opérations entravées par des « moniteurs des droits fondamentaux » qui empêchent toute fermeté face aux flux migratoires.
Pour retrouver la maîtrise de ses frontières, l’Europe doit reprendre en main la gouvernance de Frontex, écarter les profils immigrationnistes et redonner la priorité aux acteurs opérationnels : policiers, garde-frontières, garde-côtes. Seule une volonté politique forte permettra d’en finir avec l’impuissance institutionnalisée et de restaurer la souveraineté des États.