Moins de Bruxelles, plus de liberté : plaidoyer pour une Europe décentralisée

20 juin 2025

Face à l’asphyxie réglementaire orchestrée par Bruxelles, une seule voie de sortie existe : retrouver la liberté économique par la subsidiarité, le fédéralisme compétitif et un retour à la responsabilité locale.

L’inflation réglementaire, fléau européen

L’un des fléaux de l’Europe contemporaine est l’inflation réglementaire. Elle découle du succès de la culture socialiste et se traduit par une érosion progressive des libertés individuelles, provoquée par la prolifération de normes et de règlements. Alors que le droit devrait se résumer à quelques principes fondamentaux fondés sur le respect d’autrui et des libertés essentielles, nous sommes aujourd’hui confrontés à un système législatif complexe, issu des décisions arbitraires des membres de la classe dirigeante.

Il y a environ deux mille ans, dans la société romaine, la culture raffinée des juristes avait su formuler ces maximes dorées qui expriment l’essence du droit : « neminem laedere, honeste vivere, suum cuique tribuere » (ne léser personne, vivre honnêtement, rendre à chacun ce qui lui est dû).

Rien n’est plus éloigné de cette sagesse fondatrice que les codes volumineux actuels, contenant les règles que nous sommes censés suivre chaque jour. Paradoxalement, plus il y a de règles, moins il y a de droit véritable. Cela traduit une culture politique qui préfère l’arbitraire réglementaire à l’objectivité du droit, qu’il soit compris comme droit naturel, inscrit dans la réalité, ou comme droit historique, fruit de traditions construites sur le temps long et les interactions sociales.

Homo bureaucraticus : le nouvel homme européen

La convergence entre la centralisation politique voulue par les eurocrates et la culture interventionniste des élites actuelles (politiques, économiques, culturelles) a engendré un nouveau type anthropologique : homo bureaucraticus. Initialement propre à l’administration étatique, cette identité bureaucratique est aujourd’hui devenue indissociable de celle du citoyen moyen.

À ce titre, le cas de l’agriculture française est particulièrement révélateur : autrefois domaine d’initiatives privées, elle est désormais soumise à des mécanismes toujours plus réglementaires et redistributifs. Cela résulte de l’effet combiné des directives européennes et de leur transposition par le Parlement français. Résultat : le Code rural est passé de 755 pages en 1965 à plus de 3 000 pages aujourd’hui. Des évolutions similaires ont eu lieu dans toute l’Europe et dans tous les secteurs.

Ce réseau tentaculaire de règles finit par étouffer toute possibilité d’entreprise et d’innovation.
Il y a cinquante ans, un jeune voulant créer son entreprise s’interrogeait d’abord sur le marché, ses compétences, ses ressources. Aujourd’hui, ses premières questions sont : « Ai-je le droit de faire cela ? » et « à quelles conditions ? »

Dans l’esprit de l’Européen d’aujourd’hui, tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est supposé interdit ou au mieux ambigu.

La fiscalité alimente la bureaucratie

En Europe, beaucoup ne comprennent pas que chaque réglementation,  à distinguer du véritable droit, limite les échanges et les contrats, empêchant des actions que deux parties jugeraient pourtant mutuellement bénéfiques. Ce maillage excessif de règles bloque aussi la voie à ceux qui, par définition, essaient de créer quelque chose de nouveau : les entrepreneurs portés par l’innovation.

Les raisons de cette hypertrophie réglementaire sont nombreuses, mais l’une d’elles est clairement liée à l’explosion de la fiscalité.

De nombreux États occidentaux ont hypothéqué l’avenir des jeunes générations en s’endettant massivement. Des États-Unis au Japon, de la Grèce à l’Italie, de la France à la Belgique, nombre de pays affichent des dettes publiques supérieures à 100 % du PIB.

Conséquence : les gouvernements doivent désormais justifier chaque euro, afin de pouvoir percevoir leur « tribut » sur chaque transaction. Une dette croissante appelle une fiscalité lourde, qui à son tour exige, pour éviter l’évasion, un entrelacs de règles toujours plus serré.

Un exemple éloquent : les lois encadrant l’usage des espèces ou les contraintes croissantes imposées aux propriétaires, notamment dans le secteur émergent de la location de courte durée.
Dans ce contexte, beaucoup de citoyens qui espéraient se réinventer en micro-entrepreneurs — en concurrence avec les hôtels et autres acteurs traditionnels — ont dû renoncer face à la charge administrative.

Dans cette configuration, il devient évident que les autorités publiques occupent désormais le devant de la scène, reléguant au second plan les citoyens, familles, entreprises, associations et autres forces sociales.

Décentralisation et reconquête de l’autonomie

Sortir de ce piège suppose, avant tout, une révolution culturelle : il faut raviver une culture de la liberté et de la dignité de ceux qui veulent vivre honnêtement et répondre aux besoins de leurs semblables. Il est insensé qu’une simple séparation d’une pièce en deux (sans toucher aux murs porteurs) requière une autorisation administrative — ou que transformer un bureau en logement implique une procédure tortueuse et coûteuse. Ceux qui souhaitent revenir à un monde plus simple, plus vrai, doivent élever la voix.

Il est aussi crucial d’empêcher la formation d’un « Super-État » à Bruxelles. Toute décision centralisée favorise des logiques socialistes et illibérales, ouvrant la voie à une explosion réglementaire. Les 27 États membres doivent résister à l’effort des élites pour éliminer toute capacité d’autogouvernement et toute forme d’identité propre.

Fédéralisme compétitif : une leçon à redécouvrir

C’est pourquoi il est urgent de redécouvrir le fédéralisme compétitif :

  • En permettant à chaque entité politique de se gouverner elle-même, on encourage une saine concurrence entre systèmes. Chaque population peut adopter les solutions qui lui conviennent : ce qui est pertinent en Suède ne l’est pas nécessairement en Grèce.
  • Chaque communauté est ainsi incitée à choisir les modèles les plus efficaces.

Ce fédéralisme ne doit pas se limiter au niveau étatique : il faut rendre aux collectivités locales une liberté de décision maximale.

 

« Swissifier » l’Europe : la voie de la liberté locale

Une société comme la Suisse tire sa force de son organisation : moins de 10 millions d’habitants, 26 cantons, environ 1 000 communes — toutes dotées d’une large autonomie fiscale et réglementaire.

L’idée de « swissifier l’Europe » a été formulée dès les années 1950 par Denis de Rougemont, penseur politique originaire de Neuchâtel. Opposé à toute unification centralisée, il rêvait d’une Europe des régions et des autonomies.
Certes, de Rougemont était peut-être naïf, il n’avait pas compris que le projet européen visait dès le départ à unifier, non à émanciper,  mais une partie de son message reste d’une brûlante actualité.

Une Europe libérée des directives bruxelloises, fondée sur de larges autonomies locales, permettrait de sanctionner les logiques d’uniformisation.
Offrir aux citoyens la liberté de se déplacer vers les territoires où ils sont mieux traités — sans devoir changer de langue, de culture ou de pays — pousserait les responsables politiques à mieux servir la société.

Il y a donc un double combat à mener : un combat idéologique contre la prolifération des règles les plus absurdes (notamment écologiques), et un combat institutionnel pour des modèles plus libres et respirables.

La combinaison des deux pourrait faire émerger une Europe plus efficace et moins étouffante.

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